Budget 2014 : Explication de vote de Franck Delattre pour le groupe EELV
Monsieur le Président,
Monsieur le Président du CESER,
Chers collègues,
En 2014, la dotation de l’Etat pour notre région sera en baisse de 11,7 %. Et pourtant.
Et pourtant la Région Picardie verra le montant de ses investissements augmenter de 3%.
Elle consolidera son action pour permettre d’amplifier une politique de lutte contre l’exclusion des plus fragiles, l’exclusion de ceux qui pâtissent le plus des crises environnementales et sociales qui sévissent depuis des années maintenant.
Je l’avais rappelé en introduction de la session budgétaire, « le taux de chômage atteint des records, les emplois précaires se multiplient, les temps partiels subis explosent, tout comme le nombre de demandeurs des Restaus du Cœur en cette période hivernale ». Ce constat sévère, c’est celui d’un modèle économique qui n’a rien – ou trop peu – d’un modèle soutenable, solidaire, exemplaire.
Face à ce constat sévère donc, il faut réinterroger les choix qui sont faits à tous les échelons des politiques publiques. Il est plus que jamais nécessaire d’amplifier ce changement de modèle dont nous avons tant besoin. Nous avons aussi pour impératif de prévenir les mutations à venir, qu’elles soient sociales, environnementales, ou sanitaires, pour protéger les populations les plus fragiles, les plus touchées, les plus exclues.
C’est donc dans une rupture avec les logiques court-termistes que nous devons agir.
Monsieur le Président, le projet de budget primitif soumis par la majorité contient une nouvelle fois un niveau d’investissement record. C’est le résultat d’une volonté forte, celle d’agir en direction des territoires, et ce, malgré les crises, les épisodes dramatiques, les situations de précarité qui se multiplient.
Il serait évidemment facile, trop facile, de promettre monts et merveilles (emplois, croissance, pouvoir d’achat) en plombant le budget régional de grands projets inutiles et coûteux qui ne verraient le jour que dans 15 ans. Au lieu d’amputer la part du budget consacré aux investissements d’avenir comme le ferroviaire, la transition énergétique ou le soutien à l’agriculture biologique, il est bien plus courageux et bien plus réalistes de renforcer nos investissements dans des politiques durables.
Je tiens d’ailleurs ici à répondre à M. Coulon qui, lundi dernier, se félicitait un peu vite du rapport Pauvros sur le Canal Seine Nord Europe.
En réalité Monsieur Coulon, le rapport continue à nous resservir le même plat réchauffé.
Aucune réponse n’est apportée aux interrogations du rapport de l’Inspection Générales des Finances sur la réalité du transfert modal et sur l’impact économique réel du canal. Car oui, je le rappelle, le rapport de l’IGF et du Conseil général de l’environnement et du développement durable avait conforté en mars 2013 l’ensemble des arguments qui démontraient l’absurdité technique et financière de ce projet.
Nous restons donc avec un grand canal inachevé – d’un gabarit de 4400 tonnes au milieu d’un réseau de 3000 – , un premier budget de 4,5 milliards dans un projet « évolutif » auquel il faudra ajouter le financement de plate-forme, le schéma d’accueil, la muse au gabarit européen du reste de la liaison Seine Escaut qui n’y est pas aujourd’hui… Quelques milliards à ajouter en perspective. Facile !
Ces investissements que nous souhaitons, ici en Picardie, s’adaptent à un contexte difficile, à des crises qui se superposent les unes sur les autres, et qu’on ne peut enterrer à grands coups de pelleteuses et foreuses, inabordables pour les comptes publics, pour les contribuables, mais aussi pour l’environnement.
L’adaptation au contexte dont je fais parle,
– c’est bien sûr la diminution des émissions de gaz à effet de serre, pour lutter contre le changement climatique ;
– c’est aussi la relocalisation de l’économie pour créer des emplois durables et non délocalisables tout en diminuant les rejets liés aux transports de marchandises ;
– c’est également une politique ambitieuse de santé environnement pour que l’on puisse non seulement vivre plus longtemps mais surtout vivre mieux ;
– c’est enfin une politique de justice sociale qui considère que nos actions ici ont des conséquences ailleurs et pour d’autres.
Et c’est notamment tout le sens de notre politique de coopération décentralisée qui aide au développement des populations nigériennes, malgaches et béninoises pour un monde plus stable.
Ecologistes, nous sommes attentifs à ces éléments et nous croyons que c’est par une action ambitieuse et courageuse que nous améliorerons la vie dans nos territoires.
Filière d’avenir par nature, l’enseignement est un élément majeur du budget primitif 2014. Le Programme Prévisionnel d’Investissement des lycées 2013-2015 pour un montant de 275 millions d’euros se traduira par une amélioration concrète des conditions de travail des lycéens, du personnel enseignant et des agents techniques dans les établissements de la Région. Améliorer les conditions de vie dans les lieux de formation c’est une manière de répondre au sentiment d’abandon de certains Picards mais aussi de recréer du lien social dans les territoires fragilisés.
La politique que nous menons en matière de formation professionnelle et d’apprentissage est également renforcée par le projet que vous nous soumettez. C’est bien sûr l’investissement dans les Centres de Formations d’Apprentis, et ce, malgré un contexte particulièrement incertain : les crédits permettront notamment aux CFA de mieux assurer le suivi des jeunes en entreprises et de renforcer les relations avec les employeurs. La formation que nous développons en Picardie s’articule également avec une nécessaire adaptation aux besoins de demain. C’est pourquoi le Service Public Régional de Formation de la Picardie a été étendu au domaine de l’éolien en 2013. La plate-forme WindLAB, située au sein de la cité scolaire d’Amiens, et que nous aurons le plaisir d’inaugurer fin janvier est emblématique de la formation aux métiers d’avenir que nous souhaitons impulser en Picardie.
La Picardie ne doit sous aucun prétexte rater le virage de la transition écologique de l’économie. C’est pourquoi la création d’un Service Public de l’Efficacité Energétique, dotée d’une régie régionale, va dans le sens de l’adaptation de notre collectivité au contexte social et environnemental du territoire. Avec le Schéma Régional Climat Air Energie un programme ambitieux avait été adopté en mars 2012. Mon collègue Christophe Porquier parlait alors d’« un scénario ambitieux, avec des objectifs clairs en matière de maîtrise énergétique et de développement des éco activités ». Ce programme prévoit que 90% de la production d’énergie soit issue des énergies renouvelables en 2050 et se donne pour objectif la rénovation thermique de 13 000 logements par an et la rénovation de 40% du parc privé tertiaire à l’horizon 2020. Avec le Service Public de l’Efficacité Energétique, la Région Picardie se donne les moyens de ses ambitions, en aidant les particuliers en situation de précarité énergétique à rénover leur logement.
La convention TER-SNCF que nous avons adoptée le 27 septembre dernier va également dans le sens de la nécessaire conversion écologique des territoires. L’année 2014, qui lancera officiellement ce partenariat verra se mettre en place des avancées importantes pour les usagers des transports en commun : ce sont notamment leur indemnisation en cas de retards fréquents ou supérieurs à 2h, les objectifs à la hausse pour la régularité des lignes ou encore la suppression de la franchise pour les pénalités dues par la SNCF en cas de suppression de trains. Je veux rappeler, s’il cela était nécessaire, que ces avancées sont majeures pour les Picards puisqu’elles concernent les transports du quotidien : pour aller à l’école, pour aller travailler, se former, chercher un emploi, se cultiver, etc. L’investissement de la Région sur ce mode de transport qui n’émet pas de gaz à effet de serre sera poursuivi cette année, notamment par l’acquisition de nouvelles rames. Cette démarche s’inscrit pleinement dans un aménagement durable du territoire Picard qu’il faut consolider et amplifier.
Pragmatiques, mais exigeants, nous ne pouvons pas être pleinement satisfaits au moment où nous allons voter ce budget primitif. On ne peut en effet se réjouir des contraintes importantes qui pèsent sur les budgets des Régions, pour lesquelles nous souhaiterions une véritable fiscalité propre. Malgré les avancées annoncées par le Premier Ministre lors de son séjour en terres bretonnes, on ne peut pas non plus s’enthousiasmer pour un volet régional de l’acte III de la décentralisation qui verrait une concurrence forte entre les métropoles et les Régions sur la compétence transports. Enfin, on ne peut pas se satisfaire de l’incertitude qui pèse sur le contenu des prochains Contrats Plan Etat-Régions 2014-2020 qui consacreront 50% du secteur « multimodalité » à des projets routiers !
Au contraire, nous sommes particulièrement satisfaits de constater que l’action des écologistes auprès du Ministre de l’Agriculture a finalement permis de garantir de véritables marges de manœuvres aux régions en matière de gestion des fonds FEADER. La possibilité pour la région Picardie de décider de la répartition des fonds européens quant aux politiques de développement rural est une avancée majeure pour continuer notre effort en faveur de l’agriculture durable.
Les écologistes voteront un budget régional qui fait le pari que l’investissement raisonné est plus payant que l’austérité. Le changement de modèle dont nous avons besoin est à ce prix.
Je vous remercie.