Session Conseil régional : Débat ferroviaire – intervention de Christophe Porquier

Session du Conseil régional de Picardie

Plusieurs incidents se sont produits ces dernières semaines sur le réseau ferroviaire picard entrainant de nombreux désagréments pour les usagers (retards, suppression de train…)
Pour faire face à la situation et régler les problèmes au plus vite, Claude Gewerc a invité le directeur régional de la SNCF à venir s’exprimer lors de la session du 24 février.

Christophe Porquier est intervenu lors du débat pour le groupe EELV

Monsieur le Président
Monsieur le Président du CESER
Monsieur le directeur régional de la SNCF
Chers collègues,

Au nom du groupe EELV, je salue votre présence devant cette Assemblée régionale.

Vous avez la difficile mission de représenter dans notre région une entreprise à qui l’Etat demande tout et son contraire.

L’Etat qui laisse à RFF et la SNCF la charge de 30 milliards de dettes qui plombent leurs finances, ce qui lui permet de ne pas aggraver un peu plus sa propre notation en les  laissant à l’écart des comptes publics.

L’Etat qui ne prend pas la dette à sa charge, mais qui a passé commande des investissements  et maintient des projets d’infrastructures dans la France entière dans un SNIT où on ne compte plus les LGV. : Rhin-Rhone, Bordeaux-Toulouse, Paris-Orléans-Clermont-Lyon, Marseille-Nice, Poitiers-Limoges, Paris-Normandie, Toulouse-Narbonne, Bordeaux-Espagne, Paris-Calais, …

Il en faudrait des milliards pour réaliser tout cela…  donc les collectivités sont appelées en renfort pour apporter des  millions par dizaines ou centaines.  Mais cela n’y suffira pas, il faudrait plus d’un siècle pour tout financer, sans compter que la dette continuerait d’augmenter.

L’Etat – encore lui – qui vote une augmentation des péages quand il siège à RFF, mais qui vote contre quand il siège à la SNCF.

L’Etat  qui prétend relancer le ferroviaire dans le Grenelle, et notamment le fret, mais qui poursuit une politique historique favorable à la route, comme en témoigne l’autorisation donnée aux poids-lourds de passer à 44 tonnes via un récent cavalier parlementaire, ou les beaux cadeaux tarifaires laissés aux sociétés autoroutières – privatisées en 2005 – dont les bénéfices connaissent une croissance à deux chiffres. Ce n’est pas la crise pour tout le monde.

Et je ne parle pas des promesses oubliées du Grenelle sur la fiscalité ou la taxe à l’essieu pour les poids lourds.

Et enfin, ce démembrement : séparant RFF et la SNCF – ce qui n’était nullement obligatoire puisque l’Allemagne ne l’a pas fait – séparant les services entre les activités régionales, nationales, grande vitesse, fret… les gares, la maintenance, …   sans gouvernance adequate.

Mais l’usager du train n’a pas conscience de ces problèmes. En général, il ne sait pas que la région Picardie dépense 118 euros par an et par habitant pour le train, dépasse les 200 millions et approche même les 250 millions pour le train dans son budget annuel, ce qui la place en tête des régions françaises pour l’effort financier consenti. L’usager ne sait pas que le quai de la gare appartient à RFF et l’escalator au bout du quai à la SNCF.

L’usager constate que le service attendu n’est pas là, que les grilles horaires ne répondent pas partout aux besoins, que certains trains sont trop chargés aux heures de pointes, que certaines gares ne sont plus desservies dans les heures creuses, que les retards entrainent des annulations de train. Et l’usager en Picardie, c’est 40.000 personnes chaque jour, dont les 2/3 voyagent vers la région parisienne. Parmi eux, parmi elles, beaucoup travaillent, étudient, … et doivent respecter des contraintes horaires.

Nous vous remercions de venir entendre ce signal d’alarme des élus qui relaient ici les problèmes rencontrés sur plusieurs lignes.

Vous savez à quel point les élus de cette majorité sont attachés au service public ferroviaire, et c’est tout particulièrement le cas de notre groupe politique : enjeu climatique, énergétique, d’aménagement du territoire, économique et social… le développement du train doit rester une priorité. Il nécessite encore des investissements importants, tel Picardie-Roissy, qui sont indispensables pour préparer le monde de demain. Mais pour que ces investissements soient compris par nos concitoyens, il faut que les trains roulent et que le service soit – si ce n’est parfait – au moins acceptable. La marge d’erreur est tolérable, mais nous en sommes sortis.

Nous comprenons parfaitement les difficultés que rencontrent aujourd’hui la SNCF et RFF, qui sont chahutés par des décisions incohérentes.

Le modèle ferroviaire français est aujourd’hui tiraillé entre une gouvernance globale inexistante, des problèmes financiers non assumés et un éparpillement de ses missions sans moyens adéquat.

L’action résolue de notre collectivité en faveur du transport ferroviaire est aujourd’hui otage de cette absence de stratégie et de plan de financement national.

Elle paye les investissements de matériel, elle est sollicitée pour payer les infrastructures qui ne sont pas de sa compétence, elle est parfois jugée responsable d’un service qu’elle ne maitrise pourtant pas, sauf à ajouter quelques millions de plus dans des arrêts supplémentaires, du matériel, les gares…   cette course sans fin n’est pas tenable. Les régions ne peuvent pas payer indirectement la facture historique et actuelle des TGV que l’Etat fait peser sur la SNCF et RFF, et ceci – même sans bénéficier de ressources fiscales propres.

Au regard de ces enjeux, nous sommes lucides sur les responsabilités de chacun. Les efforts que nous demandons aujourd’hui à l’entreprise publique que nous respectons et que vous dirigez sont sans doute complexes, quoique je doute de l’incapacité à résoudre des problèmes techniques en période de froid, de chaleur, de feuilles mortes … ceci n’est pas inaccessible. Nous serons attentifs aux efforts que vous voudrez bien faire pour améliorer le service rendu  aux usagers, et l’image du service public ferroviaire et de la SNCF dans notre région.

Je vous remercie.

 

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